L’homme

François Camatte : un dessinateur

François Camatte est le cadet d’une fratrie de cinq enfants et le seul garçon. Son père décède sept mois avant sa naissance, laissant sa femme gérer seule le petit commerce de tissus à Cannes. Très tôt, le jeune Camatte s’intéresse à la pêche et aux bateaux traditionnels, des plans de pointus datant de 1911 ont d’ailleurs été retrouvés dans ses archives. Durant ses études secondaires, il est plus remarqué pour ses qualités de dessinateur que pour ses aptitudes aux mathématiques ou aux versions latines. En 1912, à 19 ans, il s’engage pour trois ans, sans doute pour ne plus être à la charge de sa mère. Il est blessé en 1916 à Verdun, repart en 1917 à l’Armée d’Orient puis est démobilisé en août 1919.

L’architecte naval

Ses débuts dans les chantiers navals

En 1920, il entre comme dessinateur aux chantiers navals Despujols à Arcachon, spécialisé dans les yachts à moteur. En 1925, il part travailler au chantier naval d’Antibes, dirigé par Henri Rambaud où il perd un œil lors d’un accident d’atelier. Il y rencontre souvent l’architecte naval Jean Quernel qui l’influencera dans le choix de sa carrière. Il finalise son apprentissage et dessine le Queen Mary, vedette qui servit à la promenade dans les environs de la rade de Cannes. À partir de 1925, François Camatte dessine pour son propre compte et crée les plans de la série de dériveurs de 5 mètres M.O.C.A.T. (Méditerranée, Ouest, Corse, Algérie, Tunisie). Cette même année, il est repéré avec deux d’entre eux, Dalhia et Bouscarlette, lors de la coupe Fiferlin disputée à Menton. Grâce à ce succès, Camatte commence une carrière dans la conception de voiliers de course de la jauge internationale.

Un architecte intuitif et passionné

François Camatte est un passionné de pêche et possède, comme seul bateau, un pointu non motorisé. C’est aussi, d’après Georges Auzépy-Brenneur, « un excellent barreur et un fin régatier quand il est à bord des voiliers de ses clients, ce qui n’est pourtant pas très fréquent. Les jours de régates, lorsqu’il n’est pas sur l’eau, on l’aperçoit souvent posté à l’extrémité de la jetée du port de Cannes, monoculaire à la main, discutant âprement les options et les manœuvres des concurrents qui évoluent sur le triangle ».

D’après son gendre, Édouard Ramoger, Camatte travaille seul et fait tout à la main sur « une planche à dessin dépourvue de tout perfectionnement ». Il ajoute « À notre époque où la conception d’un bateau, quelle que soit sa taille ne peut plus se faire sans l’aide d’ordinateurs, il est intéressant de se rappeler qu’il n’y a pas si longtemps, un homme aux connaissances mathématiques très réduites, avec seulement un jeu de pistolets et de lattes à dessiner pouvait créer d’excellents bateaux tombant exactement dans leurs lignes ». Il réalise tous ses calculs avec l’aide d’un planimètre et d’une règle à calcul.

L’écoute

Jacques Taglang souligne, quant à lui, que François Camatte était très apprécié de ses clients pour son écoute, « sachant rester disponible à leurs attentes et s’informant auprès des barreurs et des équipiers lors des régates ». Il ajoute également « sa rigueur le conduit à suivre de près la construction de presque tous ses bateaux en se rendant souvent dans les chantiers ». Il collabore d’ailleurs avec certains constructeurs durant toute sa carrière comme Attilio Chiesa à Cannes ou Bonnin à Arcachon.

L’élégance

Les lignes, l’élégance et l’efficacité de ses voiliers, ainsi que son talent, ont été remarquées à plusieurs reprises dans les comptes rendus de courses publiés dans Le Yacht. Leslie Richardson, yachtman britannique écrit dans le Yacht du 11 mai 1929, au sujet de Zip II « Il est même rare de voir un jeune architecte aussi bien réussir le premier bateau qu’il étudie pour une série nouvelle pour lui ».

La référence

François Camatte est un architecte naval reconnu par ses pairs comme Eugène Cornu, son cadet de dix ans ou encore André Mauric avec qui il avait tissé une grande amitié.

Un autre architecte naval, Maurice Amiet, dit à propos de Morwak dont il découvre les plans en 1980 « François Camatte était largement mon aîné et, comme il s’était plutôt spécialisé dans les voiliers de la Jauge internationale (…), j’ignorais un peu ce confrère, sa route étant bien différente de la mienne. Quand j’ai retracé les plans de forme de Morwak au 1/20, je suis tombé en extase ! Jusqu’à ce moment, en effet, j’avais un peu considéré François Camatte comme un amateur, un architecte marginal, que sais-je encore ! Je venais de découvrir que c’était un “grand patron” ».

Edouard Ramoger écrit à propos de son beau-père « On peut ranger François Camatte dans la catégorie de ceux qu’André Mauric qualifiait de “créateurs intuitifs purs, guidés par leur sens esthétique qui tenait lieu de technique” ».

D’après wikipedia et des extraits de l’article de Georges Auzepy- Brenneur paru dans Chasse marée N°190.
On dit de François Camatte qu’il est un homme rigoureux. André Mauric se souvenait ainsi qu’en 1929, alors qu’il était jaugeur officiel de l’Union des sociétés nautiques françaises pour les régates de Cannes, “tous trichaient un peu, sauf Camatte”. Rompu aux règlements des sociétés de classification (I.loyds et Veritas) auxquels étaient soumis les yachts de la Jauge internationale, François Camatte savait écouter avec attention les barreurs et prendre l’avis des équipages sur ses coursiers.